Réalisé par Ethan Coen, Joel Coen
Avec Oscar Isaac, Justin Timberlake, Carey Mulligan, Garrett Hedlund, John Goodman, Adam Driver...
Genre : Drame.
Sortie : 6 novembre 2013.
Histoire : Inside Llewyn Davis raconte une semaine de la vie d'un jeune chanteur de folk dans l'univers musical de Greenwich Village en 1961.
Contexte...
Entre le festival de Cannes et les frères Coen, c'est une grande histoire d'amour :
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Palme d'or
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Prix de la mise en scène
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Prix d'interprétation masculine pour John Turturro
- Prix de la mise en scène
- Prix de la mise en scène
- Prix du Jury à Irma P. Hall
Et en cette année 2013, le dernier né de la famille, Inside Llewyn Davis, a lui aussi, eu le droit à sa récompense : Le Grand Prix 2013. C'est de ce film dont nous allons parler dans cette article.
Inside Llewyn Davis est le 16ème film de Joel et Ethan Coen. Pour l'occasion, les 2 frangins nous content l'histoire d'un jeune chanteur de folk au début des années 60. Le personnage de Llewyn Davis est inspiré de Ramblin' Jack Elliott, mais surtout de Dave Van Ronk, guitariste, arrangeur et chanteur de blues et de folk américain (30 juin 1936 - 10 février 2002).
Joel et Ethan Coen retrouvent pour la 6ème fois John Goodman après Arizona Junior, Barton Fink, Le Grand Saut, The Big Lebowski, O'Brother. C'est aussi l'occasion pour Oscar Isaac et Carey Mulligan de se retrouver après Drive (2011).
Le film a été présenté à Cannes en mai 2013 puis le 6 novembre 2013, en France.
Verdict...
Chronique douce et amère d'un jeune chanteur de folk dans le début des années 60, Inside Llewyn Davis est un petit bijou imparfait livré par le tandem Joel et Ethan Coen. Du grand cinéma intimiste comme ils savent si bien le faire.
L'histoire du film est la suivante : Llewyn Davis est un personnage à la fois unique, mais aussi semblable à n'importe qui. Il aime la musique, joue de la guitare et chante. Il est très talentueux. Son style de prédilection étant la folk, pas celle inspirée par Bob Dylan, étant donné que celui-ci n'est pas encore connu. Il lui arrive, parfois, de se produire sur des petites scènes, avec plus ou moins de succès. Il rêve de devenir célèbre et vivre de sa passion, mais sa vie ressemble à une vieille routine dont il est difficile de se dépêtrer, accentué par les mauvais choix qu'il peut faire. Ceux-ci ne le conduisent qu'à se retrouver sur le bas-côté de la route. Il n'a pas de toit et gagne très mal sa vie, profitant de la gentillesse de certaines de ses connaissances.
Joel et Ethan Coen ont toujours aimé, à travers leur filmographie, nous raconter les pérégrinations de loosers magnifiques, que ce soit dans des comédies noires (Fargo), plus légère (The Big Lebowski), ou dans des polars (The Barber, l'homme qui n'étaient pas là), en y incorporant une touche d'absurdité. Et ces derniers ont le don d'apporter des nuances à celle-ci. Ce décalage est parfois terriblement tragique (Barton Fink) ou au contraire salvatrice (The Big Lebowski). Mais à chaque fois, cela fait mouche et surtout ne dénote pas avec l'ensemble du film. Inside Llewyn Davis ne déroge pas à la règle, même si celle-ci est plus présente au niveau des dialogues qu'au niveau de "l'action", l'amertume étant très omniprésente.
En effet, le personnage de Llewyn Davis dégage une profonde tristesse et une nostalgie latente. Nostalgie d'un temps qu'il ne peut plus revivre et rattraper. Et bien que l'action du film se déroule sur 1 semaine, le background est assez développé, bien que celui-ci ne soit pas montré en image, au contraire c'est au détour d'une discussion, d'une ligne de dialogue ou d'une image qu'il est évoqué. Et si les frères Coen choisissent cette courte période, c'est tout simplement, car nous avons l'étrange impression que Llewyn Davis vit sans cesse la même semaine, rencontrant les mêmes personnes, aux mêmes endroits, vivant les mêmes situations, faisant les mêmes choix, comme une sorte de boucle. Mais comme dans tout récit, il y a un élément déclencheur : un chat. Mais je ne vous en dirais pas plus pour garder la surprise. Quoi qu'il en soit, les évènements se déroulant pendant cette semaine ne sont pas précipités et ne donnent pas la sensation de n'être là que pour le film, mais bien dans la continuité d'une vie, comme un instant pris sur le vif.
Et cette vie, Llewyn Davis semble la trainer comme un boulet à ses pieds, vivant dans le passé, subissant les évènements bons ou mauvais de la même manière, ne respirant pas la joie de vivre comme s'il avait perdu le goût, espérant décrocher la gloire mais sans changer quoi que ce soit de sa personnalité et de sa manière de vivre. Bien que ce personnage est inspiré par Dave Von Ronk et semble réel, il symbolise aussi les artistes qui veulent vivre de leur passion tout en restant intègres mais n'ayant jamais fait la bonne rencontre au bon moment. D'où le côté très amer du film, car sans vous dévoiler la fin, ne vous attendez pas à un formidable Happy End où Llewyn Davis réalisera ses rêves, c'est très certainement l'un des films les plus tristes et sombres de la filmographie des frères Coen. C'est un peu déprimant mais pas plombant. On a de la peine pour le personnage mais en même temps, ce n'est pas un saint. Tout comme Barton Fink, il est assez narcissique, le côté délirant et loufoque en moins, et un peu connard sur les bords. Ces éléments en font un personnage intéressant et riche. C'est l'une des force des frères Coen, d'avoir à chaque fois des personnages "forts" et à la psychologie "fouillée" sans avoir besoin de beaucoup de scènes pour le montrer. Le traitement apporté ne se fait jamais au dépit du scénario, mais toujours au service de celui-ci. De plus, Llewyn Davis est superbement interprété par Oscar Isaac. Il en va de même pour le reste du casting (Justin Timberlake, Carey Mulligan, Garrett Hedlund, John Goodman, Adam Driver) dont chaque personnage, bien écrit, ne se retrouve pas éclipsé par le personnage de Llewyn Davis, au contraire, le balle est, à chaque fois, bien renvoyée. Joel et Ethan Coen le maîtrisent parfaitement, même les seconds couteaux dans leur films, ont une place importante dans l'œuvre et ne sont pas juste là pour le remplissage, il y a un soin apporté à chacun.
Concernant le scénario, en plus des personnages et de leur psychologie, le déroulement du récit et le récit-en lui-même sont très bien écrit. La richesse de l'œuvre se trouvent dans les détails, pas juste ce qui nous est "montré". Et d'ailleurs, parfois, après le visionnage d'un de leur film, on peut être dubitatif car ce n'est pas forcément ce à quoi on s'attendait. Leurs œuvres sont plus riches qu'elles en ont l'air, simplement cela ne saute pas toujours au yeux, et c'est le cas avec Inside Llewyn Davis. Non pas que le film est inaccessible ou difficile à comprendre, mais il est plus profond qu'il n'y paraît.
Au niveau de la mise scène, car le casting, le personnage de Llewyn Davis et le scénario, ne sont pas les seuls qualités du film, celle-ci est, une fois de plus, maîtrisée par Joel et Ethan Coen. Elle est sobre mais astucieuse. C'est d'ailleurs toujours appréciable de les voir se renouveler à chacun de leur film, sans que cela change de manière considérable. Simplement, leur réalisation est toujours adaptée au long-métrage en question. Ils n'ont pas besoin d'exécuter de grands mouvements de caméra ou des plans serrés pour être proche de l'action et des personnages, simplement d'être "juste". Et bien qu'il y ait une "grande" mise en scène, le rythme du film peut rebuter car il est très calme, très posé. Certains y adhèrent, d'autres non, mais la c'est plus affaire de subjectivité et d'appréciation personnelle que d'un défaut incombé au film. Le montage du long-métrage fait que l'on ne s'ennuie pas et que l'ensemble est agréable à visionner. La photographie est sublime. La bande-son aussi. Concernant ce dernier, à titre personnelle, je ne savais pas qu'Oscar Isaac chantait aussi.
Pour conclure,
En cette fin d'année 2013, Joel et Ethan Coen nous livre un grand film, un petit bijou, n'ayant rien perdu de leur talent. En effet, Inside Llewyn Davis c'est 1h40 de voyage musical et onirique, un bel hommage à la musique folk. Car oui, si vous n'aimez pas du tout la folk, il y a peu de chance que vous apprécié le film. L'ensemble est très poétique, presque tendre, émouvant, mais très amer et triste.
Note : 5/5
La critique de Yoyo114
Inside Llewyn Davis, le nouveau film des frères Coen, suit les tribulations, sur la durée réduite d'une semaine, d'un jeune chanteur de folk qui ne parvient pas à percer, et qui vit de la générosité de quelques amis. Entre humour burlesque et chronique pessimiste, les Coen parviennent à synthétiser tout ce qui fait la beauté de leur cinéma (personnages typés, dialogues de sourd, ambiances cauchemardesques) sans que cela fasse redite ou caricature. On ressort du film avec l'envie de discuter de chaque scène, car ce film est à ce point précis que tout nous interpelle, chaque détail, chaque plan, chaque réplique. Même si les passages sur la route s'étirent un peu en longueur, ils permettent de nous plonger dans l'esprit dépressif de Llewyn Davis. Un film paradoxal, car il est noir et pessimiste, mais pourtant très humain et généreux. Tout est plein de bon sens, d'une incroyable acuité.
Et, pour couronner le tout, les passages musicaux (chantés par les acteurs themselves) sont formidables, avec une mention spéciale à Carey Mulligan et Justin Timberlake sur une reprise de 500 miles, et à la chanson originale du film, le drôlissime "Please Mr Kennedy". Mention spéciale également au personnage répugnant interprété par John Goodman, dont la silhouette inquiétante se dirigeant vers les toilettes publiques est une des images les plus marquantes de l'année cinématographique (sans rire). Mention spéciale à tout le film, en fait. Ma palme d'or !
Note : 4.5 /5