Attention, cette critique risque de spoiler assez allègrement certains éléments du film et ce afin de pouvoir mieux défendre mes arguments. Ainsi je suggère à ceux n'ayant pas encore vu le film et intéressé par ce dernier, de ne pas aller plus loin dans cet article.
Et voilà, deux semaines après sa sortie, je me décide à faire une critique de ce qui est l'évènement cinématographique majeur de l'année : Star Wars, The Force Awakens. Je ne vous cacherai pas non plus que cette critique tardive n'est pas que le fruit de ma tendance à la procrastination, mais plutôt le fait qu'à l'issue du premier visionnage j'avais des difficultés à formuler un avis concret. Non pas que le film m'avais laissé dubitatif, juste que la saga à laquelle il appartient cristallise tant de choses pour moi, que je ne pouvais me contenter d'une seule vision avant de vous livrer une critique un tant soi peu complète mais qui aurait été d'avance biaisée par mon affect. Autant dans le positif que le négatif, car quand un film génère autant d'attentes que ce Réveil de la Force, plus qu'une simple œuvre de divertissement, il devient une sorte d'objet fantasmé que chacun souhaite, à l'issue, s'approprier. Ainsi ne peuvent ressortir que deux types de sentiments chez les spectateurs : un enthousiasme immodéré considérant que le film est le meilleur de l'univers ou une déception encore plus grande. Mais finalement l’œuvre n'est jugée que pour ce qu'elle représente, ce devait être et non pour ce qu'elle est réellement. Et ce qui me frustre d'autant plus dans ce processus, c'est que celui ci se retrouve avant tout dans les films à large audience et d'autant plus dans les "blockbusters". Et finalement c'est surement cette frustration qui génère chez moi cette "priorisation" à traiter avant tout de ce type de films plutôt que d'autres à échelle plus modestes. Car les films d'auteur sont vus, le plus souvent, pour ce qu'ils sont et ce qu'ils proposent et ainsi quand j'en vois un et que l'envie me prend d'en rédiger la critique, je me rend compte que tout à déjà été assez justement dit dessus.
Là je sens l'impatience poindre en vous, vous devez vous poser la question du pourquoi d'un tels laïus. Et bien si c'est le cas, je vous répondrais, bande de rectum sur pattes, que c'est parce que c'est exactement ce qu'il se produit avec la saga Star Wars et en particulier avec ce nouvel opus. Ainsi, tels le Bien et le Mal, les Jedi et les Sith, Booba et La Fouine; deux camps s'affrontent : les "Trop enthousiastes", pour lesquels ce Réveil de la Force est le meilleur film du monde de la Terre galactique de l'Univers, et les "Déçus", pour qui cet épisode VII est un remake du IV et fait de graves entorses à la mythologie de Star Wars. Et évidemment je dirais que personne n'a raison et tout le monde à tort. Mais honnêtement il y a quand même une catégorie qui a un peu plus tort que l'autre et c'est ce que je compte démontrer ici. Car après un premier visionnage à l'issue duquel j'ai été très enthousiaste, la seconde vision du film m'a permis d'y voir un peu plus clair et d'affiner mon avis et... je l'ai davantage apprécié. Et ce, non parce que je me suis accoutumé au film et ainsi ai pu accepter ses défauts, comme c'est le cas avec un The Dark Knight Rises, mais bel et bien parce qu'après ce second regard porté au bébé de J.J Abrams, j'ai pu faire le constat que l'on était bel et bien devant un ouvrage digne d'être nommé Star Wars et que ce dernier est sans doute le second meilleur épisode de la licence. Et oui je vais jusque là.
Bien sur je n'ignore pas les critiques formulées à l'encontre de ce Réveil de la Force, d'où le titre de cette critique. Et franchement je considère ces dernières pour la plupart peu pertinentes, en particulier celle exposant le film comme étant un bête copier/coller de l'épisode initial de la franchise à savoir l'épisode IV un Nouvel Espoir. Alors dans les faits on peut évidemment faire un rapprochement entre les deux œuvres, voir même avec l'épisode I La Menace Fantôme, car tout ces films ont exactement la même fonction : être l'épisode d'initiation, celui qui introduit les personnages, les enjeux de l'histoire, l'univers et le tout se doit d'être divertissant... Enfin c'est ce qu'était l'épisode IV et c'est ce qu'est cette nouvelle aventure. Et l'on ne peut pas non plus nier que la structure narrative du Réveil de la Force emprunte quelques similitudes à celle d'un Nouvel Espoir. Et c'est ça qui fait selon vous un remake ? Alors Terminator 2 c'est un remake de Terminator 1 si j'ai bien compris ce raisonnement car là aussi les deux films partagent moult similitudes. Et par extension, si je garde le même raisonnement limité de ceux pour qui l'emploi du terme remake impose un argument péjoratif; ça en fait un mauvais film ? C'est là que je souhaite tordre le coup à ce qui semble être devenu un stupide troll dans le meilleur des cas et, dans le pire, un abus de langage. Évidemment je me doute que ce terme n'est pas employé en vu de critiquer d'autres "remake" mais plutôt pour dénoncer le manque de nouveautés présentes dans cet épisode VII et ce qui semble être une redite du film de 1977. Et pourtant il n'y a rien de plus faux qu'affirmer cela. Car oui, ce Star Wars VII est bel et bien un film qui trouve son propre intérêt et parvient à exister par lui même et ce grâce à ses réussites dans de nombreux domaines, ce qui contribue à en faire un excellent divertissement mais aussi un bon Star Wars.
Si il y a bien une chose qui caractérise ce nouveau volet c'est bien la thématique de l'Héritage. Comment celui ci se transmet, comment il est reçu et interprété et surtout comment grâce à ce dernier on peut évoluer, passer à autre chose et ainsi le transcender. Cette thématique se retrouve à plusieurs niveaux et en premier lieu dans la réalisation. Cela n'aura pas échappé aux plus observateurs d'entre vous, mais J.J Abrams, en plus d'être un authentique fan de la trilogie originale, est aussi un pur produit des films de divertissement des années 80/90. Ces influences se sont souvent retrouvées dans son travail, autant à la télévision qu'au cinéma. Et si il y a une chose que j'aime chez ce réalisateur c'est qu'il a été capable de digérer ces dernières et à les intégrer dans des projets modernes grâce, notamment, à l'impact qu'à eu sa carrière à la télévision sur son style. Ainsi, si l'homme sait adapter sa réalisation aux projets qu'il réalise, il ne se contente pas non plus d'une bête révérence dissimulant un manque de personnalité stylistique derrière une fausse humilité. On lui a d'ailleurs fait le reproche de l'abus de certains gimmicks tels que l'utilisation des "secousses de caméra" (je n'utiliserai pas le terme Shaki cam, car le procédé est autre. Il est créé par l'abus de mouvements de la caméra et un montage cut, quand chez Abrams ce n'est pas la caméra qu'il bouge mais la bobine de pellicule qu'il secoue, créant ainsi des tremblements dans l'image. Cela permet de composer des cadres tout en gardant une réalisation "immersive"). Mais le procédé le plus décrié chez lui demeure ses fameux "lens flare" dont on peut dire qu'il les utilisait jusqu'à l'overdose dans son film Star Trek de 2009 (même si à mon sens cela ne gênait que peu la lisibilité de l'image). Mais c'est là aussi où j'apprécie ce gars, quand son travail subi des critiques, il les écoute et tente de se corriger. Ainsi regardez Into Darkness, suite de son Star Trek, et vous pourrez faire le constat qu'il a énormément diminué l'usage de ses effets décriés précédemment.
Toutefois résumer le style d'Abrams a des gimmicks de réalisation parait assez limité. Car ce qui caractérise le plus ce dernier c'est surtout son dynamisme, la vie qu'il cherche à insuffler à chacun de ses plans. Et ça se constate totalement dans ce Star Wars. Ainsi l'emploi d'effets "réels" sur le plateau avec des décors naturels, maquettes échelle 1/1, animatroniques, n'est pas à prendre uniquement comme un délire de vieux con souhaitant désavouer les partis pris techniques et artistiques d'une prélogie décriée, notamment pour l'abus des CGI. Non on sent dans la réalisation de Abrams que ce partis pris est avant tout le fruit d'une réflexion visant à conférer à cet épisode VII une dimension plus organique, certes moins artistique mais nettement plus crédible. Et je trouve cela totalement pertinent comme point de vue surtout dans des films de fantasy où d'avance la suspension d'incrédulité du spectateur est mise à l'épreuve de par le caractère totalement factice de l'univers qu'ils ont sous les yeux. Et c'est un écueil très actuel, que l'on ne retrouve pas uniquement dans la prélogie, que de vouloir en mettre plein la vue en terme d'environnements en composant ces derniers en numérique mais où pour le coup on oublie totalement l'importance de rendre ces derniers crédibles et palpables. Le cas de Jupiter Ascending des Wachowski me vient directement en tête. Cela tient aussi énormément à la mise en scène et comment on fait interagir les protagonistes dans ces environnements. Je ne reviendrais pas longtemps là dessus, j'en ai déjà longuement parlé dans mon article sur la prélogie. Là je reviens à Star Wars, il est indéniable qu'avoir des environnements réels dans lesquels les acteurs peuvent évoluer ainsi que des créatures (pour la plupart inédites d'ailleurs) qu'ils peuvent toucher, frôler et que le tout soit capté par une caméra moins statique, n'attendant pas que les choses rentrent dans son objectif pour les filmer mais allant directement les chercher mais sans jamais sombrer non plus dans de l'illustratif qui serait hors propos; et bien tout ces éléments aident clairement à l'immersion du spectateur.
Autre élément que j'apprécie dans la réalisation d'Abrams, c'est que si au niveau stylistique ce dernier sait faire profil bas afin de "coller" à l'image Star Wars, il semble avoir une philosophie de réalisation totalement opposée à celle de Georges Lucas (n'y voyez pas une critique contre ce dernier même si c'est un peu le cas). Durant toute la production de la prélogie, Lucas s'est échiné à une chose : retirer tout le caractère aléatoire qui pourrait "nuire" à sa vision, supprimer toute imprévisibilité. Ainsi ce que l'on a à l'écran tient totalement de la vision et la volonté du bonhomme. Et cela s'en ressentait autant visuellement avec les CGI à outrance, que dans ses cadrages, très posés. A l'inverse Abrams semble cultiver le goût pour l'imprévisible, l'aléatoire. C'est palpable dans sa directions d'acteurs où il aime laisser le champ libre à ces derniers, dans ses partis pris techniques, artistiques et même dans sa manière de gérer un récit parfois convenu. Pour cela Abrams use d'une arme qui est très efficace : le contre-pied, c'est à dire la technique où l'on va à l'encontre de ce à quoi on force le spectateur à s'attendre. On peut retrouver ça dès le premier plan du film où Abrams filme une planète. Instinctivement le spectateur s'attend à voir entrer, par le bord haut du cadre, un vaisseau qui se dirigerait vers cette même planète. Sauf que non, il fait entrer le vaisseau, visible uniquement en contre-plongée, par la gauche de l'écran et finalement la destination de celui-ci est une planète se trouvant hors champ et en contrebas. Et comme je l'ai dis, il n'y a pas qu'en terme de réalisation qu'il se permet ça. Aussi il use de cette technique pour gérer son récit, qui bien qu'il suit une trame empruntant beaucoup à l'épisode fondateur de la saga, propose ses fulgurances autant au niveau du traitement des personnages que de la mythologie de l'univers Star Wars.
Kylo Ren, un méchant surprenant...
Justement venons en aux protagonistes, car c'est bien là que se situe l'essentiel. Une chose intelligente que fait ce film c'est de laisser aux petits "jeunes" le temps d'exister avant de commencer à rameuter les anciens. Cela permet de les situer, de les comprendre et on est "forcé" de s'intéresser à eux, là où l'arrivée trop prématurée de figures bien connues aurait risqué d'empêcher l'attachement à ceux qui seront les vrais héros de cette nouvelle saga. Chose que je trouve intéressante, et là où ce nouveau volet se démarque des précédents, c'est le fait qu'Abrams étant un réalisateur d'action, c'est dans l'action qu'il construit ses personnages et les relations entre ces derniers, celles-ci se basant sur leur complémentarité. Par action je ne veux pas dire qu'il fait tout péter tout le temps, juste qu'il y a peu de moments où les héros sont "statiques", à ne rien faire. Et pour le coup, ces instants ont d'autant plus de forces et ces pauses en sont d'autant plus appréciables qu'elles permettent un temps de respiration dans le récit mais sans pour autant virer au temps de stagnation. L'autre point que j'ai apprécié dans cette oeuvre, c'est, qu'à l'inverse de l'épisode IV où seul Luke trouvait réellement un développement donnant lieu à un accomplissement à l'issue de l'intrigue, chaque personnage possède son propres parcours avec ses propres obstacles à franchir, ses propres épreuves auxquels il devra faire face... Le seul qui semble délaissé c'est Poe Dameron interprété par Oscar Isaac, acteur que j'apprécie (il est génial dans Ex-Machina). Et d'ailleurs on sent bien qu'il est davantage là pour rassurer les investisseurs en mettant une tête connue dans le nouveau casting. Mais il demeure la seule petite réserve que j'ai sur le casting. Sinon rien à dire, j'adore ces nouvelles têtes : Finn interprété par John Boyega apporte un vent de fraicheur, interprétant un Stormtrooper dont le seul objectif est de fuir le Premier Ordre (les méchants en clair) mais qui dévoilera une âme de héros. Daisy Ridley juste impeccable dans la peau de Rey, jeune fille au passé mystérieux qui révélera un destin la dépassant. Et surtout Kylo Ren joué par Adam Driver. J'aime ce méchant qui est l'antithèse de ce que fut Dark Vador, mais pour le coup en est d'autant plus intéressant. En ce qui me concerne, l'écriture de son personnage et les directions prisent avec lui relèvent d'une des plus intéressantes prises de risques de ce 7ème opus.
Mais voilà ce que j'ai aimé par dessus tout dans ce Star Wars c'est l'habileté avec laquelle a été dosé tout les éléments du récit et constitutif de ce que doit être un bon Star Wars. On y retrouve l'humour, le divertissement, des personnages forts, une mythologie qui pour le coup est traitée de manière intelligente. En effet Abrams n'hésite pas encore une fois, à renverser les codes de cette dernière afin de la renforcer. Je peux citer l'exemple du sabre laser de Luke et plus anciennement à Anakin qui sera un des fils conducteurs du film. Dans ce dernier, on voit que Finn, un personnage lambda ne maitrisant pas l'usage de la Force, le manie. Cela en aura évidemment choqué plus d'un mais c'est justement tout l'intérêt de la manoeuvre. Cette arme mythique qui se voit confiée dans un premier temps à une personne "random" mais qui retrouvera finalement les mains d'une autre plus "digne" de la porter (même si Finn ne démérite pas non plus). Idée intéressante avec ce sabre laser, c'est qu'il symbolise à mon sens, plus que la maitrise de la Force, l'idée d'un destin en devenir, d'un chemin à tracer. La perte de ce sabre a souvent symbolisé le passage à un cap supérieur...dans la douleur d'ailleurs. Ainsi voir Rey s'emparer du sabre ne signifie en rien qu'elle est accomplie, juste qu'elle commence à arpenter le chemin de son destin qui est encore en devenir. Il y a bien évolution de son personnage, mais il reste encore de la marge pour la suite.
Mais voilà je m'égare, je m'égare car finalement j'ai tant à dire sur Star Wars, Le Réveil de la Force. Je pourrais encore évoquer le travail formidable accompli sur la direction artistique, les effets sonores, la musique... quoique cette dernière mérite que j'y consacre un petit temps. La première fois que j'ai vu le film, j'ai été très déçu par les compositions du grand John Williams pour ce Star Wars. J'y reprochais surtout l'absence de thème capable à lui seul de tenir une scène... ce passage où la musique vous plonge complètement dans la séquence. De plus il semble manquer un thème principal marquant. Puis finalement à réécouter la bande originale à tête reposée j'ai fini par comprendre que le problème n'est pas tant qu'elle est moins "bonne", c'est juste qu'elle est moins grandiloquente. Elle se fait plus discrète, toutefois les compositions demeurent très riches et font vraiment beaucoup pour accompagner l'ambiance instaurée par Abrams. Là je retiens le thème Scavengers qui accompagne la présentation de Rey. Il faut admettre que l'association en image et musique demeure parfaite et qu'en réécoutant le thème, j'avais les images de la planète Jaaku qui me revenait en tête. Donc oui nous sommes devant une composition qui marque moins les tympans mais demeure de qualité. Et finalement elle est assez en accord avec la philosophie du film où l'on ne recherche pas qu'un des éléments saute à la gueule du spectateur plus qu'un autre; mais où l'on essaie de créer un tout cohérent. Et ça marche.
En conclusion
Voilà le temps est venu pour moi d'achever cette critique et nul doute qu'après sa publication je risque d'en être frustré tant j'avais de choses à dire sur ce film. Bien sur on peut toujours remettre en doute mon avis, moi qui suis généralement assez indulgent avec les blockbusters, mais clairement ce que j'ai apprécié ici c'est de ne pas avoir un film que j'ai apprécié parce que c'était Star Wars. Non je l'ai aimé parce que avant tout c'est un bon film en soi, qui reprend intelligemment un mythologie, fait clairement une transition entre la trilogie originale et cette nouvelle mais surtout prépare la suite sans pour autant fournir un récit frustrant car nous donnant une impression d'inachevé. Et si certains n'y ont vu qu'un bête copier/coller de l'épisode IV et bien je suis franchement attristé pour eux car ils sont passés à côté du 2ème meilleur blockbuster de l'année et sans doute le meilleur Star Wars sorti depuis 1980.