Tout d'abord, camarades du blog, permettez-moi de vous souhaiter une excellente année 2019. Puisque notre dénominateur commun est l'amour du septième art, je vais faire un petit effort et adapter mes vœux aux circonstances : que cette année soit riche en grands films, et que chacun trouve son bonheur dans les salles obscures, ou à la télévision !
En essayant de dresser un top de l'année, je me suis rendu compte que cinq films m'ont particulièrement plu, mais que j'ai du mal à les départager. Alors, pour éviter un classement qui n'aurait pas de sens, je vais vous présenter ces cinq films qui ont marqué mon année cinéphile, et je les laisserai à égalité. Ensuite, comme l'année dernière, je ferais un point sur les séries télévisées.
Il n'y aura pas de flop films ; comme je vais relativement peu au cinéma, j'ai la chance d'éviter pas mal de navets. Quant au Solo : A Star Wars Story tant décrié, je ne l'ai pas trouvé si calamiteux que ça. Disons que je m'y suis ennuyé comme devant la plupart des Star Wars. Bon, j'exagère, mais il y a un peu de vrai, je n'ai jamais été un fanatique de Star Wars, donc je ne vais pas crier au nanar parce que cet opus est plus faiblard que les autres. Objectivement, il y a des blockbusters bien pires que celui-ci (c'était l'instant "la parole à la défense").
Voilà le plan, maintenant, trêve de bavardages, entrons dans le vif du sujet.
Mes 5 films préférés de l'année
Burning, de Lee Chang-Dong
J'ai récemment fait une critique de ce film sud-coréen, du réalisateur de Poetry. Soyons donc bref : Burning est peut-être le film qui m'a le plus envoûté cette année. Ce mélange très original de fresque sociale, de thriller, d'histoire d'amour, fait toute la richesse de ce film parfois un peu long, mais très beau et très dense. C'est aussi un film qui parle de la création artistique avec beaucoup de justesse.
First Man, de Damien Chazelle
Sur un thème assez casse-gueule (on craignait le film patriotique ou tire-larmes), Damien Chazelle réussit pratiquement un sans-faute, sans doute grâce à quelques choix de scénario et de mise en scène très judicieux. Le plus frappant étant de représenter l'espace non comme une étendue infinie, comme le faisait Gravity, mais comme un lieu de claustrophobie absolue, car l'homme ne peut s'y aventurer que confiné dans une fusée qui ressemble parfois à un cercueil. A l'exception de quelques plans panoramiques lors du décollage final, nous sommes toujours aux côtés des astronautes, dans leur carlingue étriquée. Ainsi, le film est très anxiogène (la scène de vrille m'a cloué à mon siège), et contre tout attente, il est anti-spectaculaire. Il y a finalement peu d'action, et beaucoup de scènes intimes, parfois un peu expédiées, mais qui permettent de faire, par petites touches, le portrait d'Armstrong. J'ajouterai que la scène d'alunissage est peut-être la plus belle de l'année, et que Justin Hurwitz pourrait bien gagner un second Oscar pour sa splendide bande-son.
La mort de Staline, d'Armando Iannucci
L'année a été plutôt riche en comédies originales et soignées (Le monde est à toi, Au Poste !, sans faire partie de mon top, m'ont bien plu). La Mort de Staline part d'un postulat assez improbable : faire une comédie à partir de la mort de Staline et des luttes pour sa succession qui en ont découlé. Des personnages aussi effrayants que Beria et Khrouchtchev deviennent ainsi des despotes ridicules tout droit sortis d'un film des Monty Python. Pari osé, et réussi. Le film démarre très fort, avec une longue scène de concert joué deux fois, pour satisfaire un caprice de Staline. Il y a parfois des baisses de régime : par exemple, la découverte du cadavre, qui devrait être le pivot du film, s'étire en longueur et devient poussive. Mais la deuxième partie, centrée sur la lutte entre Khrouchtchev et Beria, est assez parfaite. Les acteurs s'en donnent à coeur joie, mention spéciale à Simon Russell Beale, et à Jeffrey Tambor, hilarant en dirigeant par intérim complètement dépassé par les événements.
Phantom Thread, de Paul Thomas Anderson
Pour Phantom Thread, j'ai également donné mon avis plus en détail dans un précédent article. J'y ai retrouvé ce que j'aime et ce que je n'aime pas chez Anderson. Côté positif : une mise en scène somptueuse, et des plans dignes d'un orfèvre, qui vont bien au-delà d'une reconstitution proprette et soignée avec un œil sur les Oscars. Côté négatif : le sentiment que les héros de Phantom Thread n'existent pas vraiment, et que leurs agissements étranges sont dictés par le cinéaste qui veut des "personnages torturés". Ce n'est pas le manque d'explications qui me pose problème : Burning est aussi un film très opaque, et pourtant on croit aux personnages. Chez Anderson, il y a toujours ce sentiment de film "fabriqué" qui me pose problème, mais la mise en scène m'a tant ébloui qu'il ne peut que figurer dans ce top.
The Rider, de Chloé Zhao
Il est trop tôt pour le dire, mais The Rider est peut-être le film de cette année qui me suivra longtemps. Pourtant, lors du visionnage, je me suis parfois ennuyé. The Rider est le genre de film qui peut laisser perplexe sur l'instant, mais qui grandit par la suite en nous. Il faut dire que le film est très minimaliste : il relate la vie d'un cow-boy, Brady, qui doit arrêter le rodéo suite à une grave blessure. Le film, qui se situe à mi-chemin entre le documentaire et la fiction, dépeint une communauté qui s'éteint, qui s'appauvrit : celle, à la fois des natifs américains, et des cow-boys, au fin fond du Dakota. Tout en racontant ce monde précaire, la cinéaste n'essaye pas de livrer à toute force un message sur la cruauté de notre société. En se concentrant sur le personnage de Brady, le film montre juste le parcours d'un homme qui doit renoncer à ce qui le rend heureux. Et ce deuil d'une passion (un sujet finalement peu traité au cinéma) rend le film universel. Et derrière la mise en scène minimaliste se cache une émotion qui persiste longtemps.
Séries Télévisées
Je ne pourrai pas m'étendre sur les séries, puisque cette année, je me suis cantonné, assez paresseusement, à l'offre de Netflix. Bien mal m'en a pris, puisque la moisson 2018 a été fort terne. Le déménagement au Mexique de Narcos était réussi, mais (et c'est purement personnel), l'ascension et la chute des barons de la drogue, au bout de quatre saisons, je commence à m'en taper le coquillard. Maniac et Bodyguard, deux des contenus phares de cette année, étaient honnêtes mais à des années-lumière des grandes séries de la plateforme. Quant à The Haunting of Hill House, c'est ma déception de l'année. Bonne résolution pour 2019 : prendre un abonnement OCS pour découvrir la fin de Game of Thrones et enfin voir Westworld. En somme, varier un peu les plaisirs.
La pépite : Dark, créée par Baran Bo Odar
Certes, je triche un peu : la série date de décembre 2017. Mais autant évoquer une excellente série plutôt que de râler sur ce que je n'ai pas aimé. Dark, première série allemande de Netflix, commence par la disparition d'un jeune adolescent qui secoue le village de Winden, et qui fait écho à une autre disparition, survenue trente-trois ans plus tôt. D'abord assez froide et peu attachante, la série accélère, dès le troisième épisode, avec une intrigue sophistiquée sur le voyage dans le temps. Vaste galerie de personnages, drames familiaux qui se perpétuent d'époque en époque, science-fiction échevelée : Dark est un mélange improbable, mais très ambitieux. A chaque épisode, quelques réponses, mais deux fois plus de questions. On s'y perd, on s'y retrouve, on s'y re-perd, mais peu importe la difficulté de l'intrigue : c'est réjouissant. A noter un énorme retournement de situation au milieu de la saison, qui, loin d'être gratuit, rend l'histoire encore plus passionnante.
Le pudding indigeste : The Haunting of Hill House, créée par Mike Flanagan.
Je dois avouer que les critiques dithyrambiques au sujet de cette série m'ont laissé bien perplexe. Bien entendu, je ne dis pas que c'est vraiment mauvais, j'ai apprécié certaines choses. Comme l'a dit un jour un grand sage (Hunter Arrow), sur un autre sujet : "ça n'a même pas la décence d'être totalement foiré". En effet, les scènes d'épouvante dans les flash-back des premiers épisodes sont indéniablement réussies. La scène du fantôme à la canne (je n'en dirai pas plus) est ce qui m'a le plus effrayé depuis plusieurs années. Donc, il est logique que, sur l'aspect purement horrifique, la série ait plu. Et ramassée sur la durée d'un long-métrage, l'ensemble aurait pu être vraiment séduisant et réussi.
Le problème, c'est que ça dure dix heures. Et hormis ces scènes d'épouvante faites avec maestria, rien ne m'a touché dans cette série. Je n'ai pas cru un instant aux personnages. Ils sont écrits à la va comme j'te pousse, et ne sont que des prétextes pour créer un maximum de situations horrifiques. On ne croit pas un instant à leur profession. Shirley, une des héroïnes, est gérante d'une morgue, tandis que son frère est écrivain de best-sellers, et on y croit autant que quand, dans un film X, l'acteur joue un plombier, et l'actrice une femme au foyer solitaire. Inutile de préciser que les personnages vivent dans d'immenses manoirs... Les scénaristes auraient dû regarder Stranger Things, série qui n'est pas exempte de clichés, mais qui fait des merveilles avec une héroïne qui vit dans une petite maison modeste. Derrière tout ça, on essaye de nous vendre une histoire sur le deuil, et ça fonctionne plutôt bien au départ, mais dans les cinq derniers épisodes, le thème est traité avec une légèreté de bulldozer. Dans l'épisode six (réalisé en plan-séquence parce que c'est cool), chaque personnage y va de sa petite anecdote, censée étoffer un peu leur psychologie. Quant au dernier épisode, il surligne encore ce qu'on avait compris depuis longtemps. Bref, pour résumer, The Haunting of Hill House, c'est parfois très effrayant, mais trop souvent appuyé, et les scénaristes succombent à la tentation de tout expliquer au spectateur plutôt que de le laisser s'approprier l'histoire.
Le mot de la fin
Je me rends compte que je termine cette rétrospective en rageant sur une série que je n'ai pas aimé. Ce serait dommage de se quitter sur cette note négative. Je me permets donc un petit hors-sujet. Comme j'ai battu mon record de lecture cette année, je me permets de vous partager un énorme coup de coeur. Un livre qui date des années soixante, et qui est absolument parfait. De Sang-Froid, de Truman Capote. Je n'en dirai pas plus : simplement, lisez-le.
2019 est une année pleine de promesses, et marquera le retour de cinéastes tels que Scorsese, Almodovar, Shyamalan, Dolan, Tarantino, et bien d'autres. Assez impatient de découvrir tout cela. Bonne année 2019 à tous !!