C'est l'histoire vraie du médecin Johann Struensee et de la Reine Caroline Mathilde, dans le Danemark des années 1770. Le pays est gouverné par un roi à moitié fou et très manipulable, qui délaisse sa femme et toutes les affaires politiques du pays. Struensee tombe amoureux de la reine, et devient son amant. Ils ont pour point commun un goût pour les idées révolutionnaires des Lumières. Ensemble, ils vont utiliser le roi pour faire passer des réformes directement inspirées de Voltaire et Rousseau. Mais bien dure sera la chute.
Ca donne quoi ?
Le film démarre un peu timidement, c'est vrai. Caroline Mathilde va quitter son cottage britannique pour aller épouser un roi qu'elle n'a jamais rencontré. On lui a décrit Christian VII comme un garçon charmant et cultivé. Mais Caroline déchante vite : elle découvre que Christian est non seulement invivable, mais complètement fou. Le réalisateur nous présente ensuite Johann, humble médecin de la campagne, qui va se retrouver médecin personnel du roi. Cette première partie est agréable à suivre, mais assez fade. Les trois personnages principaux sont des figures assez revues dans le film historique. On pense avoir compris la trame du film, et on s'attend à passer deux heures légèrement ennuyeuses, malgré la superbe direction artistique.
Quelle erreur ! Passé une première partie très académique, le film prend un envol éblouissant. Le médecin, devenu très aimé par le roi, décide d'en tirer parti. Avec Caroline Mathilde, il acquiert peu à peu une influence dans les affaires politiques du pays. Il oeuvre dans l'ombre pour mettre en pratique ses idéaux de liberté et d'égalité. Le réalisateur compose un personnage incroyablement ambigü : humaniste, généreux, mais aussi très manipulateur avec le roi, qui pourtant lui porte une amitié pathétique. Caroline Mathilde, loin d'être reléguée au second plan de l'intrigue, occupe une place forte tout au long du film. Duels de mots avec le conseil des ministres, tensions permanentes entre les personnages : à chaque minute du film, on a l'impression que tout cet univers repose en équilibre instable, que l'ensemble va s'effondrer. Struensee a tout du personnage Shakespearien : il croit fermement en son idéal, mais s'en détourne à plusieurs reprises : il utilise le roi comme un vulgaire objet, il rétablit la censure pour éviter les critiques, etc.
On pouvait s'attendre à un film figé, mais Royal Affair est tout le contraire : à la fois romantique et pessimiste, le film interroge constamment l'idéal des Lumières, de l'homme libre. On est constamment surpris, transporté, dérangé, jusqu'au final absolument bouleversant.
S'il fallait vanter un des nombreux mérites du film, il faudrait commencer par l'interprétation. Mikkelsen est monstrueux, habité par son personnage. J'avais entendu beaucoup de bien sur lui, mais je ne l'avais vu que dans Casino Royale. Maintenant, je comprends son succès. Il est authentique, il se donne d'un bout à l'autre du film, il est saisissant de naturel. Difficile de voir l'acteur derrière le personnage.
Alicia Vikander et Mikkel Boe Folsgaard sont excellents eux aussi. Ils donnent une vraie crédibilité à leurs personnages.
La direction artistique est grandiose. On y retrouve (c'est vrai), le côté pittoresque et posé de Barry Lyndon, notamment dans les scènes d'intérieur. Royal affair, c'est deux heure et quart d'images inspirées et éblouissantes.
Pour conclusiononiser :
Malgré quelques longueurs et une ou deux facilités scénaristiques, Royal Affair est un film qui nous transporte, un torrent d'images magnifiques, un génial Mads Mikkelsen, et une narration bien moins sereine qu'il n'y paraît de prime abord. Ok, ce n'est pas Barry Lyndon (en même temps, je ne l'espérais pas), mais il y a très longtemps que je n'étais pas sorti aussi épaté d'une salle de cinéma. Alors, pour l'oscar du meilleur film étranger de 2013, Royal Affair est sans doute le meilleur candidat.
Note : 5/5