Les meilleures scènes de David Lynch

Publié par yoyo114 sur 30 Avril 2013, 11:20am

david lynch

Aujourd'hui, pour ce quatrième volet de ma saga "meilleures scènes" (qui n'intéresse personne (à part quelques déviants mentaux) désolé, vivien a piraté mon article) et quelques vieilles dames)), je m'attaque au réalisateur le plus insaisissable du cinéma contemporain : David Lynch. Ses films entre rêve et réalité sont parfois d'immenses succès (Mulholland Drive) ou de retentissants échecs (Inland Empire). Toujours est-il qu'avec son style, il a marqué l'empreinte du cinéma récent, et a inspiré beaucoup d'autres cinéastes dans la construction de leurs films.

C'EST QUOI QU'IL A FAIT D'IMPORTANT ?

- Elephant Man, 1980

- Blue Velvet,   1986

- Twin Peaks (TV),   1992-1993

- Lost Highway,   1996

- Mulholland Drive,   2001

QU'EST-CE QU'IL A DE PARTICULIER ?

Tout ! Enfin, presque. Son cinéma est à part, souvent exigeant, mais pour ceux qui aiment (comme moi), chacun de ses films est un petit bijou. Lynch promène le spectateur entre le réel et le rêvé, brouille les frontières et multiplie les fausses pistes. Ca pourrait être chiantisant, et ça l'est parfois (certains passages de Lost Highway). Mais, le plus souvent, même sans comprendre vraiment le film, on en ressort conquis. Il n'y a que David Lynch qui parvienne à ne pas ennuyer le spectateur en le plongeant dans un entêtant labyrinthe. Comment réussit-il ce prodige ?

De un, ses films sont loin d'être de purs exercices de style. Le plus souvent, ils traitent de sujets émouvants et très humains : l'obsession amoureuse dans Lost Highway, les rêves de gloire brisés dans Mulholland Drive, etc. De deux, Lynch arrive à rendre cohérentes des séquences qui n'ont pourtant aucun rapport chronologique. Il parvient à faire cohabiter sans difficulté le fantasme et le réel. Et surtout, sa réalisation est toujours envoûtante, grâce à plusieurs points forts récurrents : les prises de vue originales, la lumière qui irradie chaque séquence, la musique d'Angelo Badalamenti, et le jeu hypnotique de la plupart de ses acteurs fétiches (Kyle MacLachlan et Naomi Watts, notamment).

Si l'on devait résumer l'univers du réalisateur, disons simplement qu'il fait des films avec des rêves, du sexe, et des nains !

LES CINQ SCENES MARQUANTES

5 / Mysteries of love, Blue Velvet

Cet extrait est l'occasion de montrer à quel point l'oeuvre de David Lynch perdrait de son impact si elle n'était pas servie par l'immense talent de son compositeur. Ainsi, on se laisse bercer par cette scène romantique apparemment niaise mais qui, à l'intérieur du film, revêt tout son sens et toute sa complexité.

Est-il nécessaire d'ajouter que la voix de Julee Cruise nous envoûte durablement ? Elle est parfaite pour cette scène qui semble sereine, mais qui en fait n'a rien d'apaisée. Le héros a beau embrasser sa copine de lycée (Laura Dern), son esprit est tout entier tourné vers le personnage interprété par Isabella Rossellini. Cette ambiguïté (laquelle des deux femmes aime-t-il vraiment) va nous poursuivre jusqu'à la fin du film, et même après, puisque David Lynch (comme à son habitude), ne lève pas le voile sur tous les mystères de son oeuvre.

http://www.youtube.com/watch?v=gBoXNket2pQ

4 / Scène d'ouverture, Twin Peaks

Pour résumer Twin Peaks en une scène, je vais religieusement choisir la scène d'ouverture, c'est-à-dire la découverte du corps de Laura Palmer. C'est à partir de ce cadavre que tout les engrenages de la série vont se mettre en route, que les secrets inavouables de la ville vont être révélés au grand jour.

Ces cinq minutes peuvent paraître assez anodines, et pourtant elles amorcent une vraie révolution dans le monde de la télévision. Finis les feuilletons indigents à la Petite maison dans la prairie, les feux de l'amour et j'en passe. Dans Twin Peaks, les personnages ont une consistance réelle, l'ambiance est feutrée, et chaque épisode, malgré son apparente légèreté, ouvre sur la plus grande des perversités.

David Lynch, en toute simplicité, fait preuve d'une grande intuition cinématographique. Au lieu d'attirer l'attention du spectateur avec un cadavre sanguinolent (genre Les experts), il va s'appuyer sur d'autres détails : le bruit du port, avec la corne de brume, les mouettes, le moteur des bateaux, et puis ce plastique lumineux, entre un rocher abrupt et la mer calme. L'univers poétique du réalisateur est en marche. Quatre ans après avoir découvert cette scène, elle reste gravée dans ma mémoire.

Etre un grand réalisateur, cela veut aussi dire savoir, de temps à autre, faire le clown. David nous régale avec Lucy, la standardiste délurée et un peu trop bavarde, ainsi que Andy, le policier qui s'effondre en larmes dès qu'il voit un cadavre.

http://www.youtube.com/watch?v=g41eqm1EzTA

3/ L'espresso, Mulholland Drive

Voilà une de mes scènes préférées de Mulholland Drive, dans laquelle David Lynch se moque du système Hollywoodien, qui laisse une faible marge de manœuvre aux réalisateurs. Cette scène est l'occasion de montrer à quel point l'humour absurde est une composante majeure de l'univers du réalisateur.

Adam est un réalisateur peu connu, qui cherche une actrice pour le rôle principal de son prochain film. Il aimerait garder son libre arbitre, mais il est fortement influencé par ses producteurs. Eux-mêmes sont dirigés par un groupe de mafieux (dont le chef est très exigeant sur les cafés), qui vont imposer une actrice : Camilla Rhodes. On découvrira plus tard dans le film que ces mafieux ne sont que les esclaves d'un nain !

Ok, dit comme ça, on pourrait croire que Lynch a fumé quelques joints en écrivant son script. Mais au lieu de se borner à l'hypothèse "c'est un film de pseudo-intello", autant chercher plus loin et comprendre que Lynch réalise une métaphore marrante sur l'absurdité de la production à Hollywood, qui impose des acteurs et actrices arbitrairement, sans respecter le choix du réalisateur.

Pour l'anecdote, le mafieux qui recrache son Espresso est interprété par le compositeur de Lycnh, Angelo Badalamenti.

http://www.youtube.com/watch?v=1g4V55DSrbg

2 / Le nain !!!, Lost Highway

Oh, t'es mignon, toi !!!

Un film de David Lynch sans nain, c'est un peu comme un film de Michael Bay sans effets spéciaux. Même si je ne suis pas un grand fan de Lost Highway, je trouve cet extrait glaçant. Nous sommes censés être dans la réalité, pourtant, il semblerait que Fred, le personnage principal, soit en train de rêver.

Il est à une réception, quand un "homme-de-petite-taille" s'approche de lui en souriant vicieusement. Il lui dit qu'ils se sont déjà rencontrés auparavant.

- Nous nous sommes déjà rencontré, n'est-ce pas ? dit le nain

- Je ne pense pas. Ou pensez-vous que nous nous sommes rencontrés ?

- Chez vous, vous ne vous souvenez pas ?

- Non. Vous êtes sûr ?

- Evidemment. La preuve, j'y suis

- Ou ça ?

- Chez-vous...

Au début, Fred se dit que le gars est un peu allumé. Mais quand il téléphone chez lui pour vérifier, et que le nain répond, il commence à avoir sacrément les jetons. J'adore, j'adore... Le regard de l'homme mystère à ce moment là continue de me faire frémir.

http://www.youtube.com/watch?v=qZowK0NAvig

1 / L'audition, Mulholland Drive

Les intellectuels parisiens ont tous classé Mulholland Drive comme le plus grand film de la décennie. Même si ce choix révèle une tendance Hunterienne à se mettre des bâtons dans le fondement (parce que Mulholland Drive n'est pas un chef d'œuvre), il faut avouer que le film de David Lynch est une très grande expérience cinématographique. L'occasion de plonger, plus de deux heures, dans le cerveau humain, avec toutes ses peurs, ses amours, ses désirs refoulés, sa crainte de la mort, etc. Le tout brassé avec une virtuosité inégalée à ce jour.

Grâce à une mise en scène inspirée et enivrante, des actrices parfaites, une succession de scènes cultes, (et du sexe), David Lynch parvient à nous embarquer sans ennui dans une intrigue complexe, et qui s'achève de façon encore plus énigmatique. A nous de faire tourner notre imagination pour comprendre le film. Il est facile, encore une fois, de scander l'argument "FILM POUR BOBOS", mais en allant plus loin (deux visionnages s'imposent), et en discutant sur les forums, on découvre très vite que le film est bien plus maîtrisé et cohérent qu'il n'y paraît.

La scène de l'audition est sans doute le sommet du film. Betty (Naomi Watts), va devoir jouer la scène d'un script devant le réalisateur, la responsable du casting et les producteurs. Quelques minutes avant, elle a répété avec son ami Rita. Ca ne donnait pas grand chose, du coup le spectateur s'attend à ce que Betty se loupe complètement.

Et là, surprise, elle joue la scène complètement différemment, de façon beaucoup plus calme et beaucoup plus sensuelle. Cette scène, en plus de révéler Naomi Watts, permet de voir à quel point les façons de jouer une scène de film sont multiples. Ainsi, un grand acteur peut faire d'une scène médiocre un grand moment de cinéma.

http://www.youtube.com/watch?v=aeevxJaJl1U

Cette série d'articles consacrée aux grands réalisateurs est l'occasion de revivre, en quelques minutes, tout l'univers d'un cinéaste marquant. Aujourd'hui, zoom sur le cinéma étrange et envoûtant de David Lynch