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The Temple Of Whiskers

The Temple Of Whiskers

THE TEMPLE OF WHISKERS est un blog consacré au 7ème art, fondé le 3 mai 2012. Il est l'œuvre de 6 personnes (William, Vivien, Lelya, Yoyo, Hunter Arrow et mr-edward), qui se sont rencontrés via le site internet Allociné, plus précisément sur le forum du film Inception. L'objectif étant simple : vous faire partager leur amour du cinéma.


Ça : Le Problème de la Métaphore

Publié par William le clown dansant sur 16 Octobre 2017, 09:38am

Catégories : #Sorties Ciné, #Dossiers Ciné

 

 

                      Après un certain nombre de visionnages cette année, je me suis trouvé face à un problème qui s’est avéré récurrent dans beaucoup de films, ce qui m’a poussé à m’interroger sur les origines de celui-ci, les intentions de l’auteur, et ce qui fait que ça ne marche pas. En effet, je me suis rapidement rendu compte que les réalisateurs actuels trouvent à leur goût le fait d’écrire des films qui, au-delà de l’histoire qu’ils nous présentent, offrent un deuxième (voire troisième) niveau de lecture qui vient étoffer l’œuvre et l’augmenter de qualités mélioratives. Intention plus que louable, certes, je dis bravo avec les pieds. Malheureusement, dans beaucoup de cas, cela ne marche pas, et les différents niveaux de lecture se marchent sur les pieds, et se caractérisent davantage par leurs lacunes et des moments de cohérence ponctuels que par une construction totalement aboutie et perfectionnée ; ainsi, l’ensemble finit par manquer de cohérence, et le film ne marche plus. Ma démarche consiste ici à comprendre ce problème à travers l’étude de Ça, de André Muchietti ; attention, il ne s’agit pas ici de savoir si le film étudié est bon ou mauvais, mon avis restera plus secret que la recette du Coca, mais simplement de se pencher sur sa construction et de comprendre pourquoi la métaphore est ratée et finit par peser sur le film.

 

N.B : Afin de mener cette étude à bien et d’étayer mon propos comme il se doit, le film sera spoilé allègrement, dans le but de pouvoir comprendre les problèmes dans toute leur étendue. Tout autre film mentionné ne sera pas spoilé. Vous pouvez ainsi rester et lire quand même pour pouvoir m’insulter en commentaire et m’expliquer que je n’ai rien compris, ou simplement passer votre chemin, je ne vous en tiendrai pas rigueur ; enfin, tant que je ne vous croise pas dans la rue…

 

Ça : Peur imposée par le subconscient, ou véritable entité empirique ?

 

Disclaimer : Je n’ai pas lu le livre, je me réfère donc uniquement au film.

L’histoire

                 Ça commence par l’histoire du petit Georgie, qui, courant sous la pluie, tombe nez à nez avec un clown terré dans un égout, qui lui arrache le bras et l’attire dans les canalisations. Son frère, alarmé par sa disparition, part à sa recherche avec un groupe d’amis qu’il se constitue au fur et à mesure du récit. Au fil de leur enquête, ils finissent par comprendre que la ville dans laquelle ils habitent est particulière, puisque tous les 27 ans un monstre débarque et fait disparaître des enfants pendant un an, puis s’éloigne de nouveau. Les enfants se font pourchasser par le clown, qui leur apparaît à chacun sous la forme de leur plus grande peur, et finissent par aller chez lui, seuls, puisque les adultes ferment les yeux sur les disparitions. Ils se font blesser, mais parviennent à entrer dans son terrier, où, ne le craignant plus, ils parviennent à le terrasser puisque la peur n’a plus d’emprise sur eux. Une fois le monstre vaincu, les enfants disparus, qui flottaient en tournant dans son terrier, commencent à redescendre, et l’on comprend qu’ils sont saufs. Quel pitch de ouf.

Quelle(s) métaphore(s) dans Ça ?

Trois solutions de lecture s’offrent au spectateur lors du visionnage de Ça :

                Tout d’abord, la lecture immédiate nous propose un monstre effectivement réel, qui chasse les enfants pour se nourrir, et qui s’attaque à eux parce qu’ils sont vulnérables. Sa réelle nature et la raison pour laquelle il ne vient que tous les 27 ans nous seront probablement expliqués dans le deuxième chapitre (prévu pour 2019), bien qu’il nous soit déjà suggéré qu’il entre en période d’hibernation.

                Ensuite, le monstre n’existerait que pour les enfants, puisqu’il se nourrit de leur peur, et qu’ils sont les seuls à le voir.

                 Enfin, le monstre n’existe pas, et n’est qu’une projection dans le réel des peurs des enfants. On retrouve une lecture freudienne du titre, Ça, qui serait le côté pulsionnel, sombre de chaque être, opposé au surmoi et au moi.

 

Quels problèmes posent ces lectures ?

             Si le monstre a une réalité hors de l’esprit des enfants, plusieurs problèmes nous apparaissent : d’abord, le fait que les actions du clown aient un effet sur le réel, puisque les enfants disparaissent, mais que les adultes n’y portent guère attention, mis à part les parents des enfants disparus, et encore ; en effet, c’est au moins la deuxième fois dans la vie des adultes que des enfants disparaissent en masse, et ils y semblent clairement indifférents. Même la police poste simplement une voiture devant l’école, mais s’en tient à ça ; or, dans n’importe quelle réalité, si des enfants disparaissent les uns après les autres, l’on pense directement à un pédophile psychopathe, et l’on se met en branle-bas de combat et l’on organise une battue dans toute la ville pour le dénicher, mais ici, rien. On y reviendra dans le deuxième point. En outre, les enfants semblent convaincus que les adultes ne peuvent se rendre compte de rien, mais lorsqu’ils explorent les égouts à la recherche du corps de Georgie, s’il est censé être là par pure logique et qu’il est effectivement porté disparu, pourquoi ne pas aller voir la police ? Qui refuserait d’aller repêcher le corps d’un enfant ? Il semble impossible d’établir que le monstre soit totalement visible par tout le monde, et à tout moment, et également que la situation telle qu’elle nous est présentée soit vécue par tout le monde : le comportement des parents et des autorités est clairement incohérent.

                              Par ailleurs, si l’on prend une scène comme celle où Henry tue son père, il voit le clown à la télé… sérieusement ? Comment est-il arrivé là ? Et à la bibliothèque, lorsque Ben aperçoit un ballon au milieu de la pièce, on peut se douter qu’il est le seul à le voir. Donc le clown semble ne pas être une entité empirique qui hante la ville, ou en tout cas pas totalement, il doit être plus que ça… alors comment expliquer la disparition des enfants ? Quelqu’un les fait disparaître, c’est un fait, puisqu’on aperçoit une mère qui attend anxieusement sa fille disparu devant l’école, ou une femme (sûrement une mère) qui colle une affiche « MISSING » pour son fils disparu. On pourrait me rétorquer que le petit Georgie s’est simplement fait emporter par le courant, ce qui expliquerait sa disparition, et le fait que ce soit le seul enfant à vraiment mourir. Toutefois, lorsqu’il est emporté dans l’égout, on a tout de suite un plan sur la vieille qui regardait la scène, puis un contre-champ sur l’endroit où le petit Georgie se tenait, et l’on aperçoit une mare de sang au sol. On est ici clairement selon son point de vue, et elle aperçoit cela. Or, si Georgie s’était simplement fait emporter, il n’y aurait pas eu de sang. De surcroît, cela n’explique pas le fait que tant d’enfants disparaissent, puisqu’ils sont portés disparus, comme en témoignent la voiture de police devant l’école (certes il n’y en a qu’une, mais il y en a une quand même), ou les affiches « MISSING », portant sur des enfants, et nombreuses. Donc, si Ça est effectivement une entité empirique trouvant une réalité hors de l’esprit des enfants, plusieurs problèmes nous apparaissent, comme l’indifférence des adultes, ou le fait que le monstre soit parfois en public sans que personne ne le remarque (scène de la télé, ou du ballon dans la bibliothèque). Le monstre serait-il simplement visible par les enfants, ce qui résoudrait nombre de problèmes ? Ce serait trop simple… (et mon article n’aurait aucune raison d’être)

 

                         Si le monstre n’existe que pour les enfants, et non pour les adultes, il convient de comprendre jusqu’à quel point il est inexistant pour les adultes, si ce n’est que lui, ou même ses actions qui sont ainsi invisibles. Physiquement, il semble tout à fait inexistant aux adultes, qui ne soupçonnent jamais son existence, même s’ils ne sont jamais effectivement confrontés à lui, donc on ne peut l’affirmer. Ce qui étonne, c’est plutôt le fait qu’il n’apparaisse pas aux adultes (cf scène de la salle de bain couverte de sang que le père de Beverly ne voit pas) : quelles sont les conditions déterminant sa visibilité ? Est-ce un simple critère d’âge, qui voudrait qu’au-dessus de tel âge il ne soit plus visible ? Cela semble peu cohérent, voire risible, puisque le clown n’est pas un État, et ce type de critère n’a guère qu’un intérêt administratif. Un critère d’innocence et de naïveté alors ? Ici non plus, cela ne semble pas être la solution, puisque les trois bullies, qui sont pires que bien des adultes et vont jusqu’à graver leur nom sur le ventre d’un autre enfant, voient tout de même le monstre. De surcroît, lorsque le clown apparaît à la télé, il est entouré d’enfants probablement très innocents (je l’espère puisqu’ils ont 4 ans), et ceux-ci ne le voient pas. N’apparaîtrait-il alors qu’à un certain nombre d’enfants, qui sont désignés comme étant ses futures victimes ? Cela semble être la solution la plus probable, mais alors comment s’effectue la sélection ? Il s’agirait d’un deus ex machina bienvenue pour le film, puisque rien ne permet de justifier ce choix, ni de l’infirmer. En effet, rien ne lie les enfants le voyant (ils ne sont pas tous malheureux, pas tous des losers, pas tous des garçons, pas tous du même âge, …), mis à part la ville dans laquelle ils habitent… tout comme les autres habitants qui ne voient pas la créature. Lorsque l’un des bullies s’égare dans les égouts à la poursuite de Ben, et tombe nez à nez avec Ça sous la forme d’un groupe de zombies, on pourrait dire que Ça avait prévu depuis le début de le manger. Mais l’inverse semble plus probable, bien que, encore une fois, on ne puisse l’affirmer.

              On pourrait donc conclure que Ça n’apparaîtrait qu’à ses futures victimes qui ne seraient que des enfants, mais cela serait conférer à la créature une omniscience peu probable, surtout puisqu’il se fait battre à la fin du film. S’il possédait effectivement ce pouvoir, cela ne serait jamais arrivé. Duh.

                Cependant, ces explications (et problèmes) ne résolvent aucunement les questions que posent les actions du clown : en effet, s’il n’apparaît qu’aux enfants, ses actions dans le réel n’apparaissent pas aux adultes… et apparaissent également. Ça dépend. Ainsi, lorsque le père de Beverly débarque dans la salle de bain couverte de sang, il ne remarque rien. Mais, lorsque les enfants disparaissent, les parents le remarquent. Donc ils ne repèreraient que les actions du monstre sur les êtres humains. Toutefois, cela ne résout pas la question de l’indifférence des adultes, et de leur manque de réaction. Bien que le monstre ne leur apparaisse pas, ses actions leur sont visibles, de manière éminemment personnelle puisque cela touche à leurs enfants, et la ville ne réagit pas. Quelque chose enlève les enfants quand même ! Même s’ils ne peuvent le voir, qu’ils cherchent ! Le taux d’irresponsabilité de cette ville est plus élevé que dans un foyer d’aide sociale au Sud de Roubaix (et j'en sais quelque chose).

                Enfin, Ça n’apparaît pas qu’aux enfants, et ce dans la diégèse du film : en effet, dans la chambre de Ben, on apprend que les 90 (et quelques) fondateurs de la ville sont tous morts rapidement, l’élément les reliant étant le puits servant de terrier à Ça, et que ce sont tous des adultes. De surcroît, si l’on veut pousser mémé à quatorze heures, le dessin a sûrement été fait par un adulte, qui a dessiné le clown, il a donc pu le voir (je ne questionne pas sa réaction lorsqu’il remarque le clown et décide de le dessiner, on va dire que ça fait partie de la mise en spectacle de l’horreur dans le film). Donc tous les critères déterminant la sélection des personnes pouvant voir la créature restent flous, encore et toujours…

               Ainsi, Ça apparaît aux enfants, mais pas à tous ; ses actions sont visibles des adultes, mais ceux-ci les ignorent, bien qu’elles existent. Cette question semble être une aporie, n’étant aucunement justifiable. Enfin, il reste une dernière lecture du film : le monstre ne serait pas réel.

 

Ça n’existerait pas, et ne serait qu’une projection dans le réel des peurs des enfants : cette lecture me fait bien sourire, car c’est celle qui est privilégiée par les spectateurs, puisqu’elle semble résoudre les problèmes posés par les autres… voilà pourquoi je vais prendre un malin plaisir à la discuter (pour ne pas dire à la démonter).

                    Alors, si l’on suit la thèse de l’existence de Ça uniquement dans la tête de certains enfants, on ne peut nier que certaines de ses actions ont un effet dans le réel, hors des enfants qui le voient : je vous renvoie ici encore à la disparition des enfants remarquée par des adultes, ou bien à la première fois où les enfants vont dans la maison de la créature et en ressortent pour tomber nez à nez avec la mère d’Eddie, qui remarque les enfants blessés, et n’en a par ailleurs cure. Je veux bien qu’ils se soient blessés en s’amusant, mais à ce moment-là expliquez-moi les trois griffes sur le ventre de Ben ? Lorsque des enfants jouent, l’un d’entre eux, voire deux peuvent se blesser, mais tous ? Les traces sur le ventre de Ben ne peuvent venir d’éléments disposés dans la maison, mais uniquement du monstre. Similairement, on peut se reporter à la fin, lorsque les enfants sont dans les égouts, et que Stanley se fait aspirer la tête par le clown sous la forme d’une peinture de Modigliani, qui lui laisse des marques de crocs sur les côtés du visage. A moins de s’être pris le faciès dans un piège à loup, je vois mal comment justifier cela par un jeu d’enfants.

                      De surcroît, Ça a une réalité hors des enfants, et ce bien avant leur naissance, comme en attestent les documents dans la chambre de Ben : des coupures de journaux datant d’il y a 27 ans voire de 54 ans mentionnent les disparitions, tout comme le dessin (un peu kitsch) montrant les fondateurs de la ville, et le clown parmi eux. Si le clown n’est ici visible que par les enfants (admettons), les journaux ne le sont pas, la bibliothécaire les apporte à Ben, ils ont donc une réalité empirique.

                     Par ailleurs, le monstre serait une manifestation des peurs des enfants (héhé), comme par exemple lorsque Bill descend à la cave poursuivant l’image de Georgie, cave qui lui inspire la peur, ou encore lorsque Stanley entre dans le bureau de son père et passe à côté du tableau de Modigliani. Mais alors, pourquoi le clown apparaîtrait-il dans des situations où les enfants n’ont pas de raison d’avoir peur, et de surcroît une peur matérialisée par lui ? C’est le cas de Georgie, qui n’a peur de rien lorsqu’il court après son bateau, il ne pense qu’à s’amuser, et lorsque le bateau disparaît, le clown est déjà là ; c’est également le cas de Mike lorsqu’il se fait frapper par les trois brutes, et qu’il aperçoit Ça dans les fourrées ; le clown n’est aucunement ici l’objet de sa peur, pas plus qu’il n’en est la figuration. Il est là pour faire cool, tout au plus.

 

                    En outre, le clown serait la projection de la peur des enfants. Ainsi, Stanley le voit sous la figure d’un personnage de Modigliani qui l’a toujours terrorisé, Mike le voit sous la forme des mains des membres de sa famille en train de brûler qu’il n’a pas pu sauver, Eddie sous la forme d’un lépreux puisqu’il a peur des maladies, etc. Toutefois, ils le voient tous, à un moment ou à un autre sous la forme d’un clown ; et même, lorsqu’ils sont dans le puits et que le monstre aspire le visage de Stanley, ils le voient tous sous la forme de la femme de Modigliani, bien que ce ne soit pas l’objet de leur peur. Le monstre n’est donc pas et ne peut pas être uniquement la projection des peurs des enfants, puisqu’il est souvent autre chose. Il peut toutefois prendre la forme de celles-ci, mais, pour savoir quelles sont leurs peurs, il doit avoir un moyen d’accéder à leur conscience, ce qui lui confère des pouvoirs qui posent à nouveau la question de savoir comment il ne peut pas prévoir leur comportement à la fin, notamment lorsque Bill prévoit de tuer Georgie, ou Richie de se battre. Par ailleurs, si le monstre n’est qu’une représentation de la peur de chaque enfant à des moments différents et qu’ils le voient tous sous cette forme alors qu’il n’existe pas, il faut alors établir une conscience collective, commune aux enfants et uniquement à eux pour que la projection de la peur de l’un d’entre eux soit visible par les autres. Cette conscience doit donc connaître une réalité en dehors d’eux, et pose nombre de problèmes quant à son établissement.

                     Enfin, il est aisé de reconnaître que tout enfant, ou presque, a des peurs. Dans ce cas, pourquoi cette dizaine d’enfants verrait la matérialisation de celles-ci sous cette forme, à cet endroit précis, en même temps, et non les autres ? Il faut dans ce cas reconnaître que le monstre est mu, connaît une origine empirique et extérieure aux enfants, qui lui permet peut-être d’entrer par la suite dans leur tête. Il semble néanmoins aisé de comprendre que le monstre trouve son origine dans la ville qui semble tout de même fédérer les disparitions d’enfants, ce qui lui donne, encore une fois, une réalité empirique. Il ne peut être un fantasme de chaque enfant. Il ne peut être le fantasme de personne d’ailleurs, sauf peut-être de Vivien.

 

Conclusion

                      Je pense avoir exploré suffisamment de problèmes d’interprétation pour établir que Ça souffre nécessairement d’éclats d’incohérence, peu importe la manière dont on choisit de lire le film. Il est louable et souhaitable que le scénario des productions que l’on nous propose cherchent parfois plus que le divertissement, mais si l’on confie trop à qui ne peut le plus, l’expérience s’en trouve fortement, et négativement, altérée. Pourquoi le film n’est-il pas cohérent ? A la lumière de ce qui a été dit plus haut, il semble juste d’établir que le principal problème de Ça est le fait que la situation exceptionnelle qui nous est présentée confronte des personnages étant impliqués dedans, et d’autres ne l’étant pas ; toutefois, les problèmes de cette situation ont une répercussion sur le quotidien des autres personnages, tout en n’y étant pas liés, ce qui crée un conflit entre leurs réalités, qui débouche in fine sur une aporie, puisque le film tend à établir une seule réalité, la nôtre, mêlant peurs intérieures et menaces topiques, constamment conflictuelles. Le film peut être poussé à l’absolu : toutes les traces du monstre dans le Réel, telles que les affiches au nom des enfants disparus, ou encore les coupures de journaux, ou l’histoire de la ville, peuvent être fantasmés par les enfants : mais dans ce cas, la limite entre la réalité et l’imaginaire devient plus que poreuse, et autant dire que rien dans le film n’est réel. Cependant, cette lecture est tout à fait possible : en effet, à un moment du film, Richie mentionne que sa pire peur sont les clowns – le film entier pourrait ainsi n’être qu’un rêve ou un fantasme de sa part, mais il ne faut pas être Albert Einstein pour argumenter du fait que ce serait une pirouette scénaristique bien pauvre, convenue et décevante. Fais un effort, film !

             

   A l’origine, cet article se voulait une analyse de plusieurs films, notamment de Mother !, le dernier Arronofsky, qui est intégralement construit sur une métaphore, clef de la compréhension de l’œuvre. Le souci dans ce cas-là est que la métaphore n’est pas évidente du tout, ce qui sort le spectateur du film, puisque si l’on en reste au premier niveau de lecture (ce qui fut mon cas), le film perd toute cohérence, et la métaphore ne tient pas jusqu’au bout, ce qui semble être un choix conscient du réalisateur, mais qui est une erreur : si l’on souhaite proposer une situation portant les symboles d’autre chose, il faut que celle-ci reste cohérente de part en part, sinon l’on se retrouve avec un conflit dans les intentions de l’auteur, et cela fait défaut au film, grandement dans le cas de Motheeer !.

 

 

                    Pour apporter un peu de lumière à tout « ça », des exemples de films construits de cette manière et qui sont réussis existent (mais oui) : tout d’abord, évidemment, dans la filmographie d’Arronofsky, et je pense particulièrement à Black Swan, dans lequel la différence entre ce que Nathalie Portman voit et la réalité apparaît comme floue, mais jamais problématique ; en outre, un film comme Jurassic World (je sais, je sais) présente une métaphore finement construite, puisqu’elle sert surtout l’exposition du film, et devient accessoire à la suite du récit : elle n’est pas essentielle, mais vient augmenter une situation qui tient parfaitement toute seule. Enfin, la littérature et la poésie en regorgent, et brillent par le fait que chaque interprétation de l’œuvre, si tant est qu’elle soit voulue par l’auteur, est parfaitement suffisante pour elle-même et le lecteur, les lectures plus symboliques ne faisant que l’améliorer et la rendre plus précieuse : le cinéma doit tendre vers cela, et non vers « Ça ».

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