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The Temple Of Whiskers

The Temple Of Whiskers

THE TEMPLE OF WHISKERS est un blog consacré au 7ème art, fondé le 3 mai 2012. Il est l'œuvre de 6 personnes (William, Vivien, Lelya, Yoyo, Hunter Arrow et mr-edward), qui se sont rencontrés via le site internet Allociné, plus précisément sur le forum du film Inception. L'objectif étant simple : vous faire partager leur amour du cinéma.


House of cards : White house down

Publié par yoyo114 sur 24 Octobre 2014, 11:30am

Catégories : #Dossiers Séries

 

Commençons par une question très simple : qu'est-ce qu'un critique ? Ou, plus précisément, quelle est la raison d'être d'un critique ? Réponse : créer la surprise ! Au-delà de l'envie, généreuse, de partager ses coups de coeur, ou de mettre en garde contre les daubes, le critique est mu par cette volonté, un peu orgueilleuse, de se faire remarquer le plus souvent possible en s'opposant à la pensée commune. 

 

Bien entendu, il ne peut pas être tout le temps contre les autres, parce qu'à la longue, plus personne n'écouterait son avis. C'est pourquoi il consacre 90% de son temps à dire des choses communément intelligentes sur des films communément aimés ou haïs. Les 10% restant, il les affecte donc à ces petits "coups d'éclat", ces moments de grâce où il va révéler, en preums, un bijou passé inaperçu, ou dire que, finalement, Gravity n'est pas le chef d'oeuvre vanté par l'ensemble de la presse mondiale. 

 

Cette critique ne révèle aucun élément important de l'intrigue. Cependant, si vous souhaitez découvrir la série sans rien connaître de son déroulement, fermez cette page et jetez votre PC par la fenêtre. 

I'm kidding you...

 

C'est donc l'orgueil, et aussi une inspiration retrouvée, qui me pousse à écrire cette review de House of Cards, vingt-quatre heures après avoir terminé la première saison, et prononcé ce verdict éclair, pour moi-même : c'est pas génial. 

 

Succès public autant que critique, House of Cards est devenu en quelques mois le phénomène mondial du petit écran, succédant à Breaking Bad dans la lignée des séries instantanément cultes. Et, il faut l'avouer, la série est alléchante sur le papier : casting énorme (avec en tête Kevin Spacey et Robin Wright), argument passionnant (les luttes de pouvoir à la Maison-Blanche) et deux premiers épisodes réalisés par David Fincher (rien que ça). 

 

 

On se régalait d'avance. Et, d'un autre côté, on craignait le pire : une charge contre la politique américaine, est-ce que tout ça ne va pas être un peu racoleur ? La corruption et les faux-semblants dans un milieu puissant, c'est un des sujets les plus communs de la fiction dite haut de gamme. Et il faut un sacré talent pour décrire un univers fait de coups bas et de magouilles sans tomber dans la caricature ou la complaisance. Il y a encore plus matière à s'inquiéter quand on sait que Fincher supervise les épisodes d'ouverture : autant Lynch est un génie quand il s'agit de gratter le vernis de la société (Twin Peaks reste un must du petit écran), autant Fincher a souvent été gros sabots lorsqu'il s'est attaqué au même registre (Seven et Fight Club, aussi bons soient-ils, ne sont pas des exemples de sobriété). Restait donc à savoir si House of Cards serait à la hauteur de ses ambitions.

House of cards : White house down

Le début de la série est très prometteur, pourtant, car il évite la charge politique un peu lourdingue, en créant un véritable personnage de fiction : Frank Underwood, vieux briscard du Congrès, qui vient de manquer la place de secrétaire d'état, place que lui avait pourtant promise le président en échange de sa loyauté. En utilisant le désir de vengeance comme moteur de tous les agissements futurs d'Underwood, la série échappe à la tentation du semi-documentaire sur la Maison-Blanche, pour devenir une véritable série à suspense. Willimon (le créateur de la série) parvient même à faire exister un autre grand personnage aux côtés d'Underwood : Claire, sa femme, interprétée par la sublime Robin Wright. Ensemble, ils forment une sorte de couple vampirique, unis dans leur quête de pouvoir. Kevin Spacey et Robin Wright, même s'ils n'ont plus rien à prouver, confirment qu'ils font partie des plus grands acteurs de leur génération.

 

On peut penser ce que l'on veut du reste de la saison : force est de constater que les deux premiers épisodes sont des chefs-d'oeuvre. Déjà, parce que Fincher a abandonné ses tics de cinéaste petit malin qui plombaient certains de ses premiers films (The game et Fight Club), et a gagné en sobriété dans sa mise en scène. Mais, comme il connaît parfaitement le genre du film à suspense, sa sobriété confine au génie (on a constaté la même chose, ce mois-ci, dans Gone Girl). L'utilisation de l'aparté face-caméra, qui tombe souvent à plat au cinéma, est ici parfait. Enfin, parce que, dès le premier épisode, le spectateur est ferré : il sait qu'il devra regarder le reste de la saison, et de toute urgence. 

 

 

Cependant, on trouve déjà dans ces épisodes les signes avant-coureurs de ce qui plombera le reste de la saison : un usage pas très fin de la métaphore (Frank mange des côtes chaque matin (parce que c'est un prédateur (m'voyez))), et des personnages trop lisses pour être tout à fait attachants (Zoe Barnes, entre autres). Dans un premier temps, ce manque de rigueur ne pose pas problème, car les épisodes fonctionnent de manière autonome : à chaque épisode, une intrigue. Le huitième épisode, par exemple, sera entièrement consacré au retour de Frank Underwood dans l'école militaire où il a fait ses études.

 

A une époque où les séries haut de gamme privilégient un seul fil conducteur (Mad Men, Breaking Bad, True Detective), la relative indépendance des épisodes d'House of Cards surprend au premier abord, nous ramenant à des shows plus anciens comme Star Trek, ou X-Files. Peut-être parce que la série est le remake d'un show britannique des années 90. Le problème de ce système, c'est que le moteur qui nous avait passionné au début de la série (la soif de vengeance et de pouvoir d'un membre du congrès) se trouve diluée dans une suite de sous-intrigues, certaines passionnantes (la lutte avec Marty Spinella pour la loi sur l'éducation), d'autres beaucoup moins crédibles (la campagne chaotique de Peter Russo). 

 

 

La série tient merveilleusement la route sur les six premiers épisodes. Et, au beau milieu de saison, le charme cesse peu à peu d'opérer. La mise en scène, remarquable dans les premiers épisodes, s'appauvrit dans la deuxième moitié. L'image sombre, saturée, qui constituait l'identité visuelle de la série, devient un gimmick sur lequel les réalisateurs successifs se reposent, ne prenant même pas la peine d'inventer d'autres dispositifs pour dynamiser l'histoire. La même paresse s'empare du scénario. Comme si House of Cards se laissait rattraper par son sujet : à l'image de Frank Underwood, qui ferait n'importe quoi pour obtenir le poste suprême, les scénaristes bouffent à tous les rateliers pour captiver le spectateur : des dialogues très très signifiants (on se croirait chez Nolan), des intrigues amoureuses improbables, et même des meurtres (tan-kon-ni-é). 

 

Dès l'instant où Frank Underwood rejoint le rang des anti-héros criminels, la série perd définitivement tout intérêt. Tout le sel du personnage tenait dans sa capacité à gagner le pouvoir rien que par les mots, et la manipulation. A partir du moment où il a recours à d'autres moyens (sexe et crime, entre autres), ben................... c'est comme s'il n'y avait plus de série. Autant, il y a une dizaine d'années, on aurait pu fermer les yeux et dire : c'est une série, c'est normal que l'ensemble soit un peu lourdingue. Seulement, le temps a passé, et le petit écran a prouvé qu'il pouvait produire des oeuvres tout aussi rigoureuses que le cinéma. On peut citer The Wire qui, durant cinq saisons, a décrit le milieu criminel et policier de Baltimore sans jamais sombrer dans la caricature. Ou Mad Men, une plongée sobre et formidablement mise en scène dans le milieu publicitaire New-Yorkais des années 60. 

 

Le seul défaut que l'on pourrait pardonner à House of Cards, c'est de comporter des épisodes qui ne servent à rien. Car même les plus grandes séries ont connu des moments de relâchement. Breaking Bad, bien qu'étant une merveille d'écriture, est peut-être une des séries les plus coutumières du fait : certains épisodes n'apportent rien à l'édifice, à tel point qu'ils en sont devenus cultes, notamment un que je ne raconterai pas en détail, mais que l'on pourrait résumer comme étant le remake du fameux sketch des nuls ci-dessous.  

Heureusement, les deux derniers épisodes sont à l'image des deux premiers : sobres, uniquement concentrés sur les luttes de pouvoir et le rapport entre Underwood et son épouse. Les scénaristes ont aussi l'intelligence de ne pas terminer la saison sur un cliffhanger-ultime-de-la-mort, ce qui aurait définitivement plombé la série. 

 

House of Cards, Saison 1 laisse donc un étrange sentiment, entre intérêt et déception. Les premiers épisodes mettent tout en place pour que la série soit un chef d'oeuvre (identité visuelle, personnages solides, humour, sobriété, rythme) et, sans qu'on sache pourquoi, les épisodes suivants ne font que déconstruire ce qui nous avait tant charmé au démarrage. On ne peut nier, cependant, le côté addictif de la série. Au prix, malheureusement, d'une certaine lourdeur. A la fin de la saison, House of Cards, en dépit de son sujet sérieux, apparaît donc comme une grande série B, à l'opposé de séries comme Breaking Bad ou Mad Men que l'on appellerait plutôt des petits chefs-d'oeuvre. 

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