Au Revoir Là-Haut : L'Avis de Yoyo et William

Publié par Yoyo & William sur 4 Décembre 2017, 11:42am

William et Yoyo, ourdissant un complot pour renverser l’ordre établi sur le blog, se sont réunis dans la ville de Lille il y a peu. Les deux beaux gosses charismatiques en ont profité, en bons cinéphiles qu’ils sont, pour mêler agréable, désagréable et combat contre le bien, et aller voir le nouveau film de Dupontel, Au Revoir là-haut. Ils vous livrent leurs impressions.

Pour commencer par le plus simple (pour que les plus lents puissent suivre), j’aimerais votre avis général sur le film. L’avez-vous apprécié, et si oui, qu’avez-vous apprécié ?

Yoyo114 : je vous remercie pour cette question très pertinente, surtout dans son contexte, à savoir qu'elle introduit une chronique consacrée à notre opinion sur le film. Félicitations donc, encore, pour ce méticuleux travail journalistique. Pour répondre dans le détail à votre question, je dirais que j'ai beaucoup aimé le film, et qu'à part quelques réserves qui m'empêchent de crier au chef d'oeuvre, j'ai passé un excellent moment. Je pense même le revisionner un de ces jours !

William : Tout comme Yoyo, j'ai passé globalement un bon moment. Je veux dire, un tel homme, assis à côté de vous, dans une salle si sombre... Quoi, le film ? Ah. Rien n'empêche de dire que c'est une vraiment belle oeuvre. Je pense que le scénario est le point le plus faible, mais tout le reste étant tellement solide, ce n'est aucunement un problème pour être saisi pendant le visionnage. J'ai beaucoup ris, mais ai également été saisi jusqu'à en frissonner vers la fin du film. C'est très la sensation.

Quelles étaient vos attentes en allant le voir ? Les critiques positives vous avaient-elles influencées ?

Yoyo114 : Je n'avais pas lu le livre, mais j'avais lu d'autres romans de Pierre Lemaître, et comme j'apprécie son style, j'avais une certaine attente. La bande-annonce m'avait plu : très soignée, et très économe en informations, soit les qualités (devenues trop rares) d'un bon trailer. Je n'avais pas trop regardé les critiques, mais je savais que le film était globalement bien accueilli.

William : Comme c'est de plus en plus le cas pour moi, je me suis fermé à toute image du film ou informations sur sa réception. Malgré toutes les précautions que j'ai prises, j'ai quand même entendu de nombreux retours assez dithyrambiques sur l'oeuvre de Dupontel, voilà pourquoi, lorsque Yoyo m'a proposé d'aller le voir, je me suis, à l'image d'une jeune pucelle le jour de son mariage, armé de mon plus beau sourire, et ai murmuré mon plus beau "oui".

Avez-vous un avis sur Dupontel ?

Yoyo114 : Je n'ai vu que son précédent film : Neuf mois ferme, qui était une petite merveille d'humour noir. Je suis un peu moins convaincu par Dupontel "acteur".

William : En tant que réalisateur je ne connaissais pas grand chose : ce film montre que l'homme a une identité visuelle remarquable, et qu'il fait des choix peu communs pour sa mise en scène, sans pour autant provoquer des "Woah" ébahis de la part d'un public abasourdi. C'est réfléchi, mais si c'est réellement brillant, ce n'est que par de rares moments. Dupontel en tant qu'acteur est le moins bon du film pour moi, mais c'est toujours dur de juger, et ce n'est certainement pas suffisant pour demander à ne plus le voir sur les écrans.

Le film aborde plusieurs thèmes (voire genres), et peut ainsi toucher un grand nombre de spectateurs, mais déplait tout de même parfois. A qui le recommanderiez-vous ?

Yoyo114 : Profanation de sépultures, officier psychopathe, personnages principaux qui se livrent à une arnaque aux monuments aux morts : on est là dans un cas typique de ce que j'appellerais le profil Hunter Arrow. Bref, tous ceux qui aiment l'immoralité seront réjouis. Plus sérieusement, et c'est un des reproches que je ferais au film, je trouve qu'il hésite à aller franchement dans la méchanceté. Alors même que l'histoire pourrait être subversive, on reste, d'une certaine manière, devant un spectacle assez sage. Ce n'est pas un défaut en soi, mais il faut savoir qu'Au Revoir Là-Haut n'est pas une pure satire, mais un film qui a pour ambition de fédérer un très large public. Tout en osant quelques rebondissements amoraux. Bref, j'espère que vous m'avez compris.

William : Aux grabataires aigris qui n'aiment le cinéma qu'autant qu'ils y retrouvent la réalité. Toutefois, ça me permet quand même de soulever un autre problème du film, mais il est incroyablement léger, on a l'impression de sortir d'un manège qui nous aura tiré un grand sourire yoho. Donc aux intellectuels aussi, pour les faire chier.

Cela vous donne-t-il de l’espoir quant au cinéma français ?

Yoyo114 : Et comment ! J'espère (et je pense) qu'il va récolter quelques Césars. Mais je ne regarderai pas son sacre, parce que la cérémonie des Césars devient de plus en plus sinistre à regarder.

William : C'est incontestablement un pas dans la bonne direction. Après, Dupontel reste un monsieur établi dans le cinéma français, ça ne répond pas aux questions des jeunes cinéastes qui désireraient un tel budget pour réaliser leurs premiers films. Mais on va pas cracher dans les orties, c'est un bon signe.

SI vous aviez dû adapter le roman (même si vous ne l’avez pas lu), qu’auriez-vous fait de différent ?

Yoyo114 : Déjà j'aurais expliqué le titre. Ça aurait évité qu'à la sortie de la projection, William, qui d'habitude maintient les conversations à un haut niveau intellectuel, se fende d'une remarque un peu trop basique, à savoir : "Ouais mais heu, du coup, le titre, ça veut dire quoi ?". Pour le reste, j'aurais peut-être un peu moins chargé le personnage du méchant. Laurent Laffite est très bon, mais son personnage est d'une cruauté parfois outrancière.

William : Sans avoir lu le roman, je pense que le film réussit une adaptation qui colle assez bien au livre. J'y ai en tous cas décelé un certain type de littérature qui dépeint sans les juger les hommes en temps de guerre, confrontés à l'horreur, à l'origine de celle-ci parfois, et réduits à adapter leur morale aux situations, sans quoi ils craqueraient. Le manque de parti-pris de la part de l’œil omniscient narrant l'histoire m'ennuie un peu, et j'aurai sûrement changé la structure du film, et le déroulement précis de certaines scènes, pour souligner leur intérêt moral. Ah, et sinon j'aurais expliqué le titre, pour éviter que Yoyo se moque dans un article du fait que je lui ai dit, au sortir de la séance, "Ouais mais heu, du coup, le titre, ça veut dire quoi ?"

Quels sont les défauts qui pèsent sur le film et vous ont le plus dérangé ?

Yoyo114 : Des invraisemblances dans le scénario, qui viennent peut-être du livre. Des hasards trop énormes qui relient les personnages, par pur arbitraire de scénario. On peine à y croire par moments, et la toute fin me paraît un peu trop sage.

William : Je rejoins Yoyo. Le scénario laisse transparaître des ficelles aussi grosses qu'un théâtre de marionnettes, sauf que ce n'est pas ce qu'on est censé être en train de regarder. Le happy end grand public fatigue et déçoit. On dirait qu'ils avaient pleins d'idées de mini situations comiques et de personnages burlesques archétypaux et ça crée un paradoxe avec la fresque d'époque réaliste qu'ils essayent de peindre, notamment au travers du personnage de Dupontel. Bref, c'est trop facile et peu cohérent.

Le plus gros point fort du film ?

Yoyo114: Une mise en scène très inspirée, qui ne tombe jamais dans un académisme poussiéreux, alors même que la lourde reconstitution historique lui tendait ce piège. Un rythme très enlevé, qui fait (chose rare), que je ne me suis pas ennuyé un instant pendant la projection.

William : Son univers. Que ce soit visuellement, pour ses personnages ou ses costumes (les décors ne sont pas folichons), on ne peut rien lui enlever de ce côté-là. Allez, je dirais même les costumes et surtout les masques, c'est ça qui fait du film ce qu'il est.

Qu’est-ce que comporte le film qui vous empêche de l’inscrire dans votre top des meilleurs films de tous les temps ?

Yoyo114: Il sera très probablement dans mon top 3 de l'année, pour la bonne raison que l'année m'a paru très pauvre d'un point de vue cinématographique. Et tant pis si je passe pour le chroniqueur grincheux du blog. Mais on a quand même assisté cette année à la perdition définitive de Ryan Gosling, et au massacre de deux grandes oeuvres de Ridley Scott (je ne dirais pas lesquelles mais je compte sur vos talents de détectives).

En ce qui concerne le film, je dirais qu'il est impeccable, très abouti, autant du point de vue du scénario que de la mise en scène. Et que, par conséquent, il ne tente pas grand-chose d'inoui et ne révolutionne pas le septième art. Mais c'est pas grave. De temps en temps, un film qui respecte les canons du cinéma classique, et qui le fait à merveille, c'est très plaisant.

William : Je pense que c'est surtout le scénario comme dit plus haut, mais aussi et surtout l'absence d'un fond qui transcende la simple fresque sentimentale tragique bon-enfant. Mais pris en tant que divertissement pur et absolument rien d'autre, le film a peu de défauts. Pas dans un top des meilleurs du cinéma, mais dans celui de l'année, ça c'est sûr.

Sans aller jusqu’à dire que ce fut intéressant, merci pour ces avis qui, à l’image des nuages dans le ciel, ne font que passer dans le ciel d’internet, que peu de gens remarqueront, et qui en gêneront plus qu’ils n’en contenteront, puisque cachant le soleil de Youtube au moins pour quelques instants. Bisous.