Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

The Temple Of Whiskers

The Temple Of Whiskers

THE TEMPLE OF WHISKERS est un blog consacré au 7ème art, fondé le 3 mai 2012. Il est l'œuvre de 6 personnes (William, Vivien, Lelya, Yoyo, Hunter Arrow et mr-edward), qui se sont rencontrés via le site internet Allociné, plus précisément sur le forum du film Inception. L'objectif étant simple : vous faire partager leur amour du cinéma.


Laissez Bronzer Les Cadavres : L'Or et la Mort

Publié par Vivien sur 9 Novembre 2017, 15:33pm

Catégories : #Sorties Ciné

La renaissance de ma verve critique continue avec un avis plutôt développé (et rempli d'abstractions quelque peu absconses, mais vous y êtes probablement habitué) sur Laissez Bronzer Les Cadavres, probablement déjà déprogrammé de la plupart des salles à l'heure où j'écris ces lignes, et donc déjà de retour dans les limbes de la distribution qu'on alloue généralement à ce type très particulier de cinéma francophone alternatif. Pour les présentations rapides, Laissez Bronzer Les Cadavres est un film belge complètement barjo, qui à l'instar du plutôt mauvais Free Fire de Ben Wheatley sorti plus tôt cette année présente une joute armée dans un lieu fixe, et fomente à partir de là un délire cinématographique complètement réjouissant et référentiel. Pour moi en tout cas c'est un coup de coeur, pas forcément accessible à tous, mais dont la force de réalisation est à ce point démente qu'elle ne pourra faire que s'affaisser au moins quelques mirettes de cinéphile.

 

LAISSEZ BRONZER LES CADAVRES, de Hélène Catett et Bruno Forzani

PRÉAMBULE - Pour rentrer directement dans le cas de Laissez Bronzer Les Cadavres, n'y allons donc pas par quatre chemins et prenons au contraire le raccourci dans la ruelle sombre : c'est un grand film de taré. C'est génial. C'est du post-modernisme surimposé sur du post-modernisme qui se reconvertit de fait en cinéma doré pur jus. C'est de l'or et de la mort sur la pellicule. Ça déborde d'inventivité, de mysticisme, de texture et de folie.

A la fois expérience complètement barjo et thriller millimétré dans sa gestion de l'espace, du temps et du design sonore, à la fois pastiche du vieux cinéma d'action et de western italien (avec ses caractérisations au rasoir, sa précision narrative décapante...) et défi esthétique relevé d'une verve pittoresque (la peinture, dès les premiers plans proclamée déesse de la violence), galvanisation expressionniste de couleurs et de cadres fusionnels et surréels, Laissez Bronzer les Cadavres est un film impressionnant de maîtrise et rempli d'idées, et qui, bien que n'étant parfois qu'une exposition esthétique et sensorielle imbibée d'Ennio Morricone et de pisse dorée, n'oublie pas d'être avant tout un film de genre précis, ludique et jubilatoire.

 

HÉRITAGE ET RENAISSANCE, Éternel cendrier du Cinéma de genre

La sève de la réussite du long-métrage se trouve ainsi précisément dans ce balancement entre héritage et renouveau cinématographique : en effet, à partir de cette étrange recomposition d'un cinéma semblant sortir d'un autre âge, se créée donc momentanément un nouvel âge, semblant venir de nulle part ailleurs. C'est ainsi qu'en donnant à une intrigue de série B gonzo érotico-sanglante façon années 70 la présence d'une divinité, d'une remise en abyme de l'art texturé et organique de la violence, à l'image de ces plans zénithaux où les protagonistes en quête d'or et de mort sont métamorphosés en fourmis, on finit par donner une toute autre échelle à cette étrange rixe entre d'étranges personnages faits de chair et d'hémoglobine, celui du rocailleux labyrinthe spatio-temporel dans lequel leur joute refermée prend des allures de purgatoire enflammé, où le temps est sans cesse retourné, remonté, répété et renversé dans tous les sens selon des perspectives singulières pour créer un tableau fragmentaire souvent très plaisant à découvrir, jamais à court d'idées, jamais lassant, d'autant plus qu'on arrête aussi pas de changer de langage d'étalonnage, d'équilibre entre les espaces et les personnages, bref un gros travail de taré de réalisation et de montage, qui trouve pourtant une cohérence constante. La confusion dans l'espace-temps, aussi rare soit-elle dans ce film, n'est par ailleurs jamais involontaire, contrairement au cas de Free Fire où le manque de maîtrise du huis-clos scénique entrave la qualité du film.

Laissez Bronzer Les Cadavres s'élève donc en tant que phœnix encore fumeux d'un certain cinéma d'exploitation, qui, en adjonction avec une mise en scène foisonnante et sans aucune véritable faute dans ses effets (excellent traitement sonore, à la définition unique, taillé pour administrer une véritable attaque sur les sens), lui donne un prestige assez rare dans ce cinéma supposément de seconde zone.

 

UN CINÉMA D'ESBROUFE ? Fragmentation et Fétichisation

Le film ne cesse donc d'en mettre plein les yeux et les oreilles durant 90 minutes, de passer d'une réalité à l'autre, d'un personnage à l'autre dans des plans composites qui ne semblent au final ne découper que la plus pure fluidité d'un temps cinématographique par lequel le couple de réalisateurs s'amuse constamment à jouer avec les status quos et les particules ; celles de la matière et du temps, tous deux fragmentés de manière chromatique ou narrative. Comme si, au final, tout ce décor n'était que celui d'une maison de poupée de cinéma, et comme si tous ces débordements esthétiques et scéniques n'étaient au final autant de transcendance que de simple petit jeu terrien de mise en scène.

Mais voilà ainsi le vrai clivage que je peux reconnaître au film : l'idée que tout cela ne serait qu'une marmite bouillante d'esbroufe et de m'as-tu-vu, ce qui est parfaitement compréhensible, avec tous ces très gros plans intempestifs (très inspirés du western spaghetti évidemment), ces étranges visions érotiques amenant une dimension sado-masochiste et mythique à cette fusillade autour de lingots d'or (dont l'aspect fantastique est scellé dans l'abstraction et le mystère), ce jeu frénétique sur le temps qui amène une toute autre diégèse au film, ces personnages qui sont comme dits plus haut caractérisés au rasoir, ramenés à des unités référentielles, des figures de cinéma, des gueules, des têtes de mort ou des rôles de femmes en danger, et ces quelques héritages du giallo italien que Catett et Forzani, le couple de réalisateurs déjà à l'origine d'Amer et de L’Étrange Couleur des Larmes de Ton Corps, semblent avoir du mal à tempérer (la fétichisation des armes, des gants, de la violence, des pistolets (au lieu d'armes blanches pour le giallo) pénétrant les bouches, des balles perforant la peau).

 

AU FINAL, UN CINÉMA DORÉ PUR JUS - Intégrité et Maîtrise Esthétique

CONCLUSION - Pour moi cependant, c'est une sacrée dynamite, qui se fonde sur énormément d'éléments référentiels et structurels des années 70 pour en composer une fibre nouvelle, sans en enlever la pureté des moyens ou la propreté confondante du montage et des effets narratifs utilisés ; on emprunte pour créer quelque chose de nouveau et d'indépendant artistiquement, pour en retirer une évidence des cadres, une précision parfaite des mouvements de caméra, un foisonnement d'interactions contextuelles et scéniques au sein souvent d'un seul plan, une grande cohérence des thèmes et des images récurrentes (la tête de mort, les silhouettes, le feu, la nuit, les femmes, le sang, les carcasses d'animaux, la peau), tout cela pour marquer le spectateur, signer au fer rouge un style, une esthétique et une certaine approche du mouvement, de l'action et de la violence dans son crâne. Les images se nourrissent entre elles, se recréent et se font naître.

Et finalement, peu importe si Laissez Bronzer les Cadavres ne dépasse pas tant que ça cette idée d'un trip progressivement hallucinatoire et d'un pur plaisir de cinéma, car en 2017, trouver un plaisir pur dans le septième art est quand même déjà bien assez. Dans tous les cas, le meilleur film francophone de l'année est là, pas besoin de chercher plus loin. Il aura d'ailleurs été intéressant de comparer ce film au plutôt raté Free Fire de Ben Wheatley, dont la violence bon enfant n'est jamais vraiment remise en question, sans en oublier la gestion de l'espace plutôt vide et immatérielle. Chez Catett et Forzani cependant, rien n'est laissé au hasard, comme une espèce de furie qui se contient et se décharge dans la camisole d'un perfectionnement esthétique.

 

LES PETITES RECOMMANDATIONS EN POST-SCRIPTUM

 

Et tiens, vu que je reviendrai dans quelques années de toute façon, autant vous conseiller d'autres petites folies de cinéma qui sont dans l'actualité et que j'ai pu voir. Je vous conseille donc d'aller jeter un coup d'oeil à la palme d'or de cette année, The Square, sorte de comédie existentielle particulièrement caustique et bien réalisée ; les scènes s'étirent en longueur et changent complètement de registre, les plans sont toujours extrêmement bien orchestrés, il y a un bon usage du milieu de l'art contemporain actuel, bref, un film assez captivant et pluriel.

 

Enfin, je vous conseille bien évidemment le nouveau film de Yorgos Lanthimos, Mise à Mort Du Cerf Sacré, nouvelle coupe transversale de l'inhumanité au sein des relations humaines, et dont le fantastique kubrickien pleinement assumé, la photographie impeccable et l'horreur psychologique qui réunit à la fois le glauque absolu et l'humour noir qu'on reconnaît maintenant à cet excellent réalisateur, en font définitivement une oeuvre à voir et à apprécier en bonne et due forme, bien que je le trouve un peu moins intéressant et variant que son excellent The Lobster. Avec sa vision unique, encapsulé dans des thématiques et un style extrêmement maîtrisé qu'on retrouve maintenant à chacun de ses films, Lanthimos se profile déjà comme étant un futur grand nom du cinéma actuel, si ce n'est déjà fait. Ce n'est pas pour tout le monde, mais si c'est pour vous, foncez.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article

Archives

Nous sommes sociaux !

Articles récents